« Je ne me suis jamais vraiment considéré comme un journaliste. Conteur d’histoires dans l’âme, j’ai moins cherché à marquer la performance qu’à en évoquer tous les efforts qui l’ont précédée. J’aime les petits pas avant le grand saut. Et parce qu’il n’y a pas de lumière sans ombre, je m’attache à raconter tout un univers qui œuvre en coulisses.

En effet, j’ai été le premier à entrer dans les vestiaires des boxeurs et y rester. Il s’agissait d’abord de créer du lien, encourager l’exploit mais je me suis surpris à immortaliser tous les petits gestes qui me semblaient tout raconter. Le sacerdoce qui accompagne une vie de boxe, que ce soit dans les cordes ou dans le coin. Toute cette énergie mobilisée pour si peu de gratification. Combien de boxeurs vivent aujourd’hui de leur art ? Sans vouloir lui enlever ses lettres de noblesse, c’est un sport dur, ingrat et parfois, injuste.

J’ai photographié des athlètes sur les rings du monde entier lors de petits tournois associatifs comme sur des rassemblements olympiques. J’ai été dans des clubs amateurs nichés dans les favelas brésiliennes, j’ai assisté aux entraînements de grands champions en Californie. J’ai accompagné les rêves de médailles de tellement de jeunes qui ont sacrifié l’insouciance généralement autorisée à leur génération pour nourrir leur objectif. C’est vrai que j’ai fait de belles photos : il parait que j’ai l’œil pour saisir l’instant. Ça tombe bien, je n’en ai qu’un seul depuis ma naissance. Toutefois, je ne reste que le témoin privilégié de ce que tout le monde a bien voulu me donner : une fenêtre sur son intimité, des moments de grâce ou de détresse, de connivence comme de colère. A force d’être le témoin muet de ce microcosme fascinant, j’ai envie de lui donner la parole. De le laisser se raconter mieux que je ne pourrais le faire, toujours sous mon regard bienveillant.

J’ai noué plusieurs amitiés au cours de mes pérégrinations à travers le monde : athlètes, coaches, cutman, arbitres… J’aimerais pouvoir laisser une trace vivante d’une année de leur vie. Leur permettre d’exister dans une lumière qu’ils ne connaîtront peut-être jamais pour certains. J’aimerais partager mon regard de témoin privilégié pour vous raconter de belles histoires. Montrer leurs différences et tout ce qui les rassemble, quand les gants pleurent.“